Dans la famille Ayurveda, je demande la carte Massage ! Impossible de parler d’Ayurveda sans évoquer les massages qui en sont une partie cruciale. D’ailleurs, de nos jours, c’est tendance et on appelle parfois un peu tout et n’importe quoi “massage ayurvédique” ! Il m’a donc semblé important de revenir aux bases. Pour cette raison, j’ai ressorti le livre Massage Traditionnel Ayurvédique d’Harish Johari de ma bibliothèque. C’est le livre que je vous propose cette semaine dans le cadre de mon challenge.
Qui est Harish Johari ?
Harish Johari (1934 – 1999) était un spécialiste indien renommé dans les domaines de l’Ayurveda, du Tantra et du Yoga. Il était aussi un peintre, un sculpteur, un compositeur, un cuisinier ayurvédique et un professeur. Il a été fortement influencé par ses parents qui connaissaient l’astrologie védique, le yoga et les Vedas (ensemble de textes qui donnent la connaissance, un peu comme l’équivalent de la Bible pour les chrétiens). Harish Johari a obtenu un master en philosophie. Puis de nombreuses rencontres l’amènent à développer ses connaissances ayurvédiques, ainsi que ses activités spirituelles. La voie de la Bhakti (dévotion aux dieux) a été très importante dans sa vie. Il était aussi un fervent partisan de la cuisine ayurvédique, du massage et de la dinacharya (routine quotidienne ayurvédique).
En 1969, il se rend aux Etats-Unis. Là, pendant 5 ans, il observe le mode de vie occidental, en comprend les manques et commence à y enseigner l’essentiel d’un mode de vie sain et ayurvédique. Il créé ainsi un pont entre ces 2 cultures très différentes. Pour cela, il travaille aussi régulièrement avec des psychologues et médecins occidentaux. Professeur infatigable, il va donner de nombreux cours et écrire une bonne vingtaine de livres. Il décède à Haridwar (ville sacrée du nord de l’Inde) en 1999. Son livre Massage Traditionnel Ayurvédique a été écrit en 1996 (et traduit en français l’année suivante).
De quoi parle Massage Traditionnel Ayurvédique ?
Il s’agit d’une livre de 180 pages composé de 9 chapitres.
Le chapitre 1 est une introduction au massage. L’auteur y explique son importance et ses bienfaits.
Dans le 2ème chapitre intitulé “Principes ayurvédiques du massage”, on aborde les points spécifiques suivants : les doshas (types ayurvédiques), les dhatus (tissus corporels), ainsi que tous les bénéfices du massage dans les textes ayurvédiques classiques. Dans ce chapitre, on parle également de l’examen du pouls pour déterminer la vikriti (déséquilibre) de la personne avant un massage, des marmas et du transfert d’énergie entre le masseur et la personne massée.
Le 3ème chapitre nous enseigne les différentes huiles de massage à utiliser selon la personne massée et l’effet recherché.
Dans le chapitre 4, on aborde tous les préparatifs liés au massage ayurvédique. Tout d’abord, la connaissance des points marmas est importante. Ensuite, on voit la durée, les contre-indications, les différentes techniques utilisées et l’ordre du massage.
Le 5ème chapitre nous explique le massage intégral ayurvédique, avec de nombreux schémas à l’appui. Chaque partie du corps est abordée, dans l’ordre spécifique du massage.
Le chapitre 6, quant à lui, enseigne en détails le massage thérapeutique. Parmi les afflictions abordées, on trouve : la faiblesse générale, l’arthrite, les rhumatismes, la neurasthénie, l’hypertension, l’hypotension, la sciatique, l’insomnie, etc.
Dans le chapitre 7, on aborde les particularités du massage ayurvédique pendant la grossesse, toujours selon les textes ayurvédiques classiques.
On continue dans le chapitre 8 avec le massage des bébés.
Enfin, le dernier chapitre aborde le massage de beauté et tous les ingrédients utilisés pour les préparations utilisées dans ce cadre.
Le livre se termine par une annexe recensant tous les points marmas et leurs emplacements, croquis du corps à l’appui.
Ce que je pense de Massage Traditionnel Ayurvédique ?
Comme vous aurez sans doute pu le comprendre, il s’agit d’un livre de base pour le massage ayurvédique. Très fidèle aux textes classiques indiens, c’est un véritable ouvrage de référence. En tant que tel, il doit absolument être connu par toute personne qui pratique le massage ayurvédique. Cependant, doit-il être à 100% suivi à la lettre ? Tout en respectant immensément M. Johari, j’aimerais émettre quelques idées pour permettre un peu plus de flexibilité dans sa vision du massage ayurvédique.
L’Inde est un grand pays
Tout d’abord, il faut comprendre que l’Inde est un pays tellement grand qu’il y a des différences énormes dans l’histoire et la culture de ses différentes parties. Ne serait-ce qu’entre le nord et le sud du continent. Harish Johari est né et a vécu en Inde du nord. Si vous vous adressez à des spécialistes ayurvédiques d’Inde du sud, ils auront sans doute une vision du massage ayurvédique un peu différente. Par exemple, beaucoup considèrent que l’Inde du sud (notamment, le Kerala) est le berceau de l’Ayurveda. Sans rentrer dans cette polémique aujourd’hui, il faut savoir qu’elle existe parmi les spécialistes indiens. Et c’est ça qui fait justement toute la richesse de l’Inde ! 🙂
L’apport des connaissances scientifiques modernes
Ensuite, même si l’on veut respecter les traditions, il faut quand même savoir y intégrer les connaissances actuelles et les avancées scientifiques qui ont été faites. Je vais prendre 2 exemples concrets tirés du livre afin de vous expliquer ce que j’entends par là :
- Dans le sens du massage traditionnel ayurvédique expliqué dans les textes classiques, on doit masser les jambes du haut vers le bas. Or, on sait bien aujourd’hui qu’il faut, à l’inverse, encourager le retour veineux en massant du bas vers le haut, en direction du cœur. C’est d’ailleurs ce que j’ai moi-même appris et pratiqué, que ce soit en école de massage suédois ou ayurvédique, ainsi qu’en pratique clinique en Inde. J’encourage ainsi vivement tout masseur à pratiquer un massage qui encourage la circulation sanguine en direction du muscle cardiaque.
- Dans le massage de la femme enceinte, la tradition ayurvédique veut que l’on masse son abdomen jusqu’au 4ème mois. Je parle bien ici de massage et non pas de simple effleurage. N’étant pas médecin, je ne parlerais pas du bien-fondé (ou non) de cette pratique. Cependant, j’insisterai juste sur le fait qu’à l’heure actuelle, le principe de précaution fait que l’on ne massera jamais l’abdomen d’une femme enceinte. L’effleurage est, par contre, tout à fait indiqué. Mais on pense de nos jours qu’un vrai massage sur l’abdomen n’est pas recommandé pour le bon déroulement de la grossesse.
La richesse infinie des points marmas
Si vous ne connaissez pas encore les points marmas, on peut les comparer (en partie) avec les points d’acupuncture utilisés en médecine chinoise traditionnelle. D’ailleurs, certains points se retrouvent dans les 2 disciplines, tandis que d’autres sont différents. Les points marmas sont des points vitaux qui se trouvent au carrefour de canaux d’énergie appelés nadis en Ayurveda. Ces canaux d’énergie peuvent parfois coïncider physiquement avec des ligaments, des muscles, des articulations, des veines ou des nerfs. Mais pas toujours. Les stimuler lors du massage permet de débloquer des énergies et de dissiper des douleurs. On rééquilibre ainsi tout le corps.
Mais la science des points marmas va en fait beaucoup plus loin que cela. Puisque c’était à la base une science qui était utilisée par les guerriers (on trouve un témoignage de leur existence dans le Rig-Veda, ensemble de textes écrits entre 1500 et 900 avant J.-C.). Il faut savoir que certains points permettraient de physiquement blesser, paralyser – voire même tuer – son agresseur. La connaissance de ces points-là ne se trouve bien sûr pas à la portée de tous dans les livres ! Mais elle est toujours enseignée en Inde de maître à disciple. Vous pouvez en voir un petit exemple dans ce documentaire ARTE : Ayurveda, aux origines du bien-être.
Pour qui est ce livre ?
Même si ce livre est accessible à tous, je pense qu’il sera particulièrement intéressant pour des personnes qui pratiquent déjà le massage (quel qu’il soit). En effet, même si l’ouvrage est bien détaillé avec de nombreux croquis expliquant les différentes étapes du massage, il me semble que cela aide d’avoir déjà une certaine connaissance du corps. Dans l’idéal, il faudrait pouvoir apprendre directement avec un maître ayurvédique. Ou du moins pouvoir visionner sa pratique en vidéo, ce qui est beaucoup plus parlant pour reproduire des gestes précis. Mais avec de la patience, de la détermination et beaucoup de pratique, il est possible d’avancer seul dans son apprentissage avec l’aide de ce livre.
Bien entendu, comme il est inspiré des textes classiques, vous y trouverez peut-être parfois des instructions qui auront peu de sens dans votre contexte moderne. Par exemple, page 108, au moment du massage des doigts de la main, on vous explique qu’il faut tirer “comme si vous trayiez une vache”. 😉
En conclusion
Pour ma part, il s’agit d’un ouvrage que je me suis procuré au tout début de mon intérêt pour l’Ayurveda et le massage ayurvédique. Même si je l’ai déjà trouvé très intéressant à ce moment-là, je n’en ai compris toute la portée et toute la richesse que bien plus tard, quand j’ai moi-même commencé ma pratique. Aujourd’hui, c’est un ouvrage que je consulte assez régulièrement, surtout en référence à la localisation des points marmas. Même si les principaux sont gravés dans ma mémoire, j’avoue ne pas connaître la totalité des 107 par cœur ! 😉
Comme pour toute pratique, je suis également adepte de revenir aux bases régulièrement. Quelles que soient l’avancée de ses connaissances et l’expérience que l’on a acquise, il faut savoir avoir l’humilité de se remettre dans l’état d’esprit d’un débutant de temps en temps. Il y a toujours des choses qu’il fait bon de se remémorer et de redécouvrir !